Notre-Dame-de-Grâce .

1° – Les effets merveilleux de Notre-Dame-de-Grâce – Jean Le Bys.

2°- Histoire médiévale Thomas LEDRU Saint-Riquier (VIIe-XIe Siècles) : – Histoire, Mémoire, Hagiographie – Doctorat

3° Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie.

1° – Les effets merveilleux de Notre-Dame-de-Grâce – Jean Le Bys.

INTRODUCTION I – L’ANCIENNE FONDATION DE LA CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DE-GRACE

En notre pays normand, çà et là, dorment les ruines de nombreuses églises et de nombreux monastères. Cependant, ça et là, on voit encore sur le sol de la vieille province, soit tout en haut des collines ou des promontoires, soit dans les vallées ou dans les plaines, s’élever en l’honneur de la Mère de Dieu d’antiques chapelles qui continuent à être visitées par les fidèles et qui portent au loin la renommée de pèlerinages dont la mémoire a passé de siècle en siècle. Il serait hors de propos de consigner dans ces pages tous les sanctuaires votifs dédiés à la Vierge et situés en Normandie. Mais quel est le Normand, quel est le touriste qui ne connaisse la célèbre chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, tout près de Honfleur, à l’angle occidental de la baie formée par l’embouchure de la Seine, au sommet d’un côteau où le modeste édifice reste invisible, caché sous les arbres séculaires qui l’entourent ? C’est un des lieux les plus pittoresques des côtes normandes, et ils sont sans nombre les artistes qui, dans un sentiment tranquille, doux et rêveur, ont reproduit, par la peinture ou le dessin, ces arbres, ces bois, ce ciel et cet oratoire. Encore plus nombreux sont les étrangers qui viennent, chaque année, admirer le site majestueux d’où l’on domine un pays de plus de dix lieues environnant. Mais combien peu connaissent l’histoire de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, au moins en ce qui touche les anciens temps. Aussi avons-nous saisi avec empressement l’occasion qui nous a été aimablement offerte de tirer de l’ombre des documents peu connus, de présenter quelques notions nouvelles sur ce sanctuaire, d’en augmenter ainsi les titres à l’intérêt du public et des pèlerins. Nos recherches pour retrouver, dans les ouvrages imprimés ou manuscrits relatifs aux pèlerinages anciens et aux lieux de dévotion, les traces de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce sont demeurées sans résultat (1). Tout ce qu’on possède de détails historiques a été soigneusement exposé par l’abbé Pierre Vastel dans la brochure qu’il a publiée en 1833 (2); et ce tout est fort peu de chose (3) . Mais nous ne dirons pas que sa Notice soit sans valeur, même pour les premiers temps sur lesquels elle fournit presque rien; elle est d’autant plus précieuse que nous n’avons pas d’autre guide. L’abbé Vastel avait desservi la chapelle de Grâce pendant dix-sept ans, de 1822 à 1839; prêtre fort lettré et instruit, il avait compulsé de vieux papiers et il s’était inspiré d’un ancien manuscrit où les PP. Capucins, ses prédécesseurs avant la Révolution, avaient consigné ce qu’ils croyaient digne d’être conservé à la mémoire de leur ordre. Le vénérable chapelain n’a donc pu donner que ce que les religieux eux-mêmes avaient recueilli. Depuis un peu plus de soixante ans, nous ne possédons plus le manuscrit des Capucins; on ne sait ce qu’il est devenu. Cependant, il n’est point permis de douter que le manuscrit n’ait existé (4), que les renseignements qui en ont été tirés ne soient authentiques. N’ayant jamais pu trouver l’acte de fondation de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, les Capucins n’avaient pu dire quelle était l’origine de cet oratoire que la piété du moyen âge s’était plu à honorer, quels en avaient été les possesseurs. Pour ce qui se rapporte au premier état de la chapelle, le manque d’informations, la distance considérable du temps qui nous sépare de l’époque où elle a été établie, la médiocrité de sa condition aux siècles passés, sa ruine enfin au XVIe siècle n’ont jamais permis de fixer avec exactitude l’année de sa fondation. Rien d’ailleurs n’a été plus propre à ensevelir dans l’oubli l’origine de cette chapelle votive que les longs orages qui ont agité, divisé et bouleversé la Normandie. Aujourd’hui même que l’on possède des moyens d’investigation que les PP. Capucins ne pouvaient avoir autour d’eux, il est impossible d’indiquer une date assurée et positive. A la vérité, on en approche beaucoup; on ne la possède pas. Mais la récolte des documents est encore très pénible, et il restera toujours des petits problèmes historiques à propos desquels on devra se résigner à ne pas obtenir de certitude absolue. Or, pour le sujet qui nous occupe, sur quoi est-il possible d’asseoir une certitude relative, en dehors du témoignage des historiens normands qui fait défaut ? Sur d’anciens textes et sur la tradition. Nous nous efforcerons de nous en servir; nous sommes assurés que, quel que soit le résultat de nos recherches, on nous lira avec indulgence.

II – L’ ANCIENNE CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DE-GRACE A-T-ELLE ÉTÉ UN PRIEURÉ BÉNÉDICTIN ?

Formulée ainsi, la proposition a dès l’abord l’apparence d’une conjecture. Nous espérons démontrer qu’elle a des probabilités en sa faveur et qu’elle s’appuie même sur des preuves, ou, si l’on veut, des commencements de preuve. Quoi qu’il en soit, il n’est pas sans intérêt, puisque nous cherchons à être renseignés, de déterminer en premier lieu l’état topographique, ecclésiastique et administratif de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce avant la Révolution. – 1° Très anciennement, église ou chapelle, lieu de pèlerinage sur la paroisse de Saint-Pierre-d’Equemauville, archidiaconé de Pont-Audemer, doyenné de Honfleur, diocèse de Lisieux. Destruction au XVIe siècle, probablement dans la première moitié de ce siècle; – 2° En 1620, nouvelle chapelle sous la même invocation, bâtie sur autre emplacement, dotée de nouveau, desservie par les Frères Mineurs Capucins, de l’ordre de Saint-François. Ces religieux se retirent de la chapelle dans les premiers mois de l’année 1790 (5); on réclamait de tous les ecclésiastiques le serment politique. Les Capucins le refusèrent, ce fut le signal de leur dispersion. Tous se retirèrent au couvent de leur ordre qui existait alors à Lisieux, et qui ne tarda pas à être supprimé. – 3° (Le 17 février 1791, M. Cachin (Maire de Honfleur) et ses associés achèteront des administrateurs du district de Pont-l’Evêque la chapelle de Grâce et ses dépendances, moyennant 3525 livres, puis ils en liront don à la ville de Honfleur. En 1793 la chapelle fut pillée et transformée en taverne, l’antique statue fut anéantie0 A l’époque du concordat, la chapelle fut enfin rendue au culte. Hors un seul autel, oublié dans un coin obscur, rien ne restait dans son enceinte souillée (63a). La chapelle privée et non plus conventuelle à la suite de son acquisition par la municipalité de Honfleur(6). A ce moment, il se produit une modification territoriale. La communauté ou paroisse d’Equemauville est dépossédée de la chapelle et de ses dépendances. Chapelle, bâtiments, jardin, deux acres de terre et plantations qui s’y rattachent sont annexés à la commune de Honfleur. Le tout avait été vendu comme bien national. De ces indications il n’y a rien à retenir qu’une seule chose, c’est que la nouvelle chapelle n’a eu avec l’ancienne d’autre lien que d’avoir recueilli pour elle, au même lieu, des dévotions affermies et enracinées par un long usage. D’autres traits sont fournis par la tradition. Un point est acquis. La tradition orale transmise d’âge en âge attribuait à un duc de Normandie la fondation de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce (7). Les Capucins avaient eu soin de la consigner dans leurs annales(8). Elle nous est parvenue, en effet, d’après eux seuls; et comme il était difficile de la renouveler, on s’est contenté de l’exposer dans des résumés qui n’ont qu’une valeur assez minime (9). C’est donc par une tradition conservée sur place que nous savons que le fondateur de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce a été un duc de Normandie. Or, de quel duc s’agit-il ? On ne trouve, dit l’abbé Vastel, que Robert surnommé le Magnifique (10). D’après un autre auteur, il paraît que cette désignation était portée aux premières pages du manuscrit des PP. Capucins(11); mais c’était par une pure hypothèse qui était alors généralement acceptée. Une tradition orale qui se conserve pendant plusieurs siècles s’altère nécessairement. L’esprit populaire a l’habitude de ramener toujours à certains noms connus tous les faits d’une même catégorie : les fondations de villes, les créations d’églises ou d’abbayes. Jadis avait-il à désigner un grand bâtisseur d’églises ? Il nommait de préférence à tous Robert le Diable malgré les aventures romanesques et infernales qui avaient inspiré les ménestrels et les jongleurs. Son fils, le puissant duc Guillaume-le-Conquérant, ne venait qu’en seconde ligne dans les souvenirs. Aussi, voit-on la voix populaire attribuer non à lui mais à son père, Robert le Diable, la fondation d’une chapelle devenue un lieu de pèlerinage très fréquenté. Il était inévitable qu’on y songeât, mais on a des raisons de croire qu’on s’est trompé. Nous en savons aujourd’hui un peu plus long sur les origines de la chapelle, grâce aux traces qu’elles ont laissées dans les archives monastiques. Ce sont des documents qu’il faut rechercher, examiner, admettre ou rejeter. Nous ne reviendrons pas sur l’indication déjà donnée et qu’il ne faut pas perdre de vue, à savoir que cette chapelle était située sur la paroisse d’Equemauville, paroisse dont le patronage appartenait au roi par représentation des ducs de Normandie, et qui est consacrée à saint Pierre. Ce qui frappe tout d’abord, c’est de rencontrer dans les pouillés du diocèse de Lisieux, annotés et publiés par M. Aug. Le Prevost (12), la mention suivante:prior de Esquemeauvilla, le prieur d’Equemauville, taxé à 25 livres pour les décimes. Ce prieur est placé parmi les dignitaires de l’archidiaconé de Pont Audemer, au cinquième rang, après l’abbé de Saint-Wandrille et avant l’abbesse de la Trinité de Caen. Rien ne fait connaître quel était ce prieuré ni quel en était le patron ou le collateur. Nous n’admettons pas, pour notre compte, qu’il puisse être question, ici, de la paroisse rurale. En effet, dans les mêmes catalogues ou pouillés du diocèse, ne lit-on pas à l’article du doyenné de Honfleur: ecclesia de Esquemeauvilla, l’église d’Equemauville, taxée à 50 livres pour les décimes ? On est conduit de la sorte à constater, au XIVe siècle, dans la même circonscription ecclésiastique, l’existence de deux établissements religieux qui ne peuvent point être confondus : l’un prieuré privé, l’autre église paroissiale et publique sous l’invocation de saint Pierre. La nécessité de les distinguer semble avoir suggéré à M. Aug. Le Prevost la note dont il a fait suivre les termes : « le prieur d’Equemauville », en ajoutant « ce prieuré était peut-être Notre-Dame-de-Grâce (13) ». Cette annotation nous a mis en éveil; elle a été le point de départ de recherches qui ont fourni les seuls textes dont nous puissions nous aider. Voici donc ce que nous avons recueilli. Le Chronicon centulense (14) dans lequel Hariulf, moine de l’abbaye de Notre-Dame, à Saint-Riquier, au diocèse d’Amiens, a retracé l’histoire de ce monastère depuis les origines jusqu’à l’année 1104, contient deux chartes qui offrent un intérêt incontestable. En l’année 1023 (15), d’après les meilleurs chonologistes, le bienheureux Angelran, abbé de Saint-Riquier (1020-1045), remplit une mission auprès de Richard II, duc de Normandie (996-1027). Il vint à Rouen et prit la confiance de demander au duc quelque offrande pour son couvent. Richard, protecteur des clercs et des moines (16), avait continué l’édifice de Saint-Wandrille, distribué des sommes considérables, fait venir Guillaume, abbé de Saint-Bénigne, à Dijon : il l’établit à Fécamp et assigna à sa communauté le revenu de plusieurs terres et seigneuries (17). Ce prince n’eut garde de rejeter la prière d’Angelran. Il lui fit don d’une église qui est désignée ainsi : « Consilio ergo et suggestu nostrorum fidelium, decrevimus tradere perpetuo prædicto sancto [Richario] et servis ejus, ECCLESIAM QUÆ SITA EST IN SCABELLIVILLA ». Le duc Richard lui donnait en aumône, par don irrévocable, une église qui était située sur le territoire d’Equemauville, à la condition d’entretenir à perpétuité un moine qui s’engagerait à prier pour le père du duc, pour sa mère, pour le duc lui-même, pour son épouse et ses enfants; qu’à partir de ce jour toute la famille de Richard serait agrégée à la communauté de Saint-Riquier et deviendrait participante de toutes ses bonnes oeuvres (18) : «Præfatus vero abbas et fratres sub testificatione præsentis chirographi spoponderunt, quod, amore genitoris nostri, nostro, et matris, conjugis et prolis, persona unius monachi ipsius congregationis augeretur numerus(19)». Avant d’aller plus loin, nous ferons une remarque. Des titres anciens donnaient aux abbayes, aux prieurés, le nom d’ecclesia pour les distinguer de l’autel proprement dit. Ils désignaient par ce terme, non pas une paroisse, mais quelque chose de plus éminent comme étaient les églises cathédrales, abbatiales, collégiales ou prieurales dont les paroisses n’étaient que les autelsaltaria. Une expression change de sens suivant le passage où elle se trouve. Vingt-cinq années après la donation, l’église si généreusement octroyée aux religieux de Saint-Riquier fut convoitée par l’abbesse de Montivilliers, tante du duc Guillaume-le-Bâtard. L’abbé Gervin vint réclamer de l’équité du duc la confirmation de ses droits (20). Le duc Guillaume consenti à renouveler la charte de son bisaïeul et il ajouta même quelques domaines. Les prétentions de l’abbesse de Montivilliers, fondées sans doute sur une prétendue donation dont on trouve les traces (21), ces prétentions, disons-nous, furent mises à néant, et les droits imprescriptibles de l’abbé de Saint-Riquier affirmés à perpétuité par un acte du 30 octobre 1048 (22). On voit donc l’abbesse de Montivilliers se rendre partie dans la possession de «l’église» d’Equemauville aumônée quelques années auparavant aux moines de Saint-Riquier. Le fait est à bien retenir. Il arriva, en effet, qu’à six cents ans d’intervalle, c’est-à-dire en 1630, une autre abbesse de Montivilliers intervint dans l’installation des Capucins sur le plateau de Grâce (le 16 mars 1621 (63a)) et leur fit don d’arbres qui furent plantés autour de la nouvelle chapelle (23). On s’est montré surpris de cette action (24). Il faudrait peut-être, pour l’expliquer, remonter très haut vers la fondation de l’«église» d’Equemauville pour laquelle Montivilliers et Saint-Riquier se querellaient au XIe siècle. Mais quelle était cette église ? La localité où elle était située est connue. Les mots Scabellivilla, Scamelivilla, de la Chronique d’Hariulf (25) désignent Equemauville, commune et paroisse du canton de Honfleur. A quel établissement religieux le terme ecclesia est-il applicable ? S’agit-il d’un bénéfice paroissial ou de tout autre bénéfice ? L’explication du texte de la charte de Richard II repose donc sur une alternative. Dans le premier cas, cette « ecclesia » serait la cure rurale d’Equemauville qui ainsi aurait été possédée par des moines avec tous les droits et les revenus qu’elle tenait des institutions canoniques. On y aurait alors rencontré non un curé proprement dit, mais un vicaire perpétuel ou un prieur-curé, car on sait que la règle de saint Benoît ne permettait pas aux religieux qui suivaient cette règle d’aller résider dans une cure; ils commettaient un prêtre séculier désigné sous le nom de vicaire perpétuel et ils prenaient celui de curés-primitifs. Nous ne croyons pas que cette organisation ait existé à Equemauville. Dans le second cas, la mêmeecclesia désignerait une église ou une chapelle comme celle des prieurés qui n’étaient pour la plupart que des fermes dépendant des abbayes et dans lesquelles on envoyait, pour les faire valoir, des religieux, tous gouvernés par un prieur ou par un prévôt. Nous inclinons vers la seconde solution pour diverses raisons. On doit d’abord être frappé de l’expression employée : ecclesiam quæ sita est in Scabellivilla, une église qui est située sur le territoire d’Equemauville. Nous écartons l’idée que ces termes désignent l’église paroissiale; évidemment ce n’était pas l’église dominante de la paroisse, autrement on lui en aurait donné le nom. Ils sont applicables à tel autre édifice consacré au culte (oratoire ou chapelle de prieuré), situé dans la même circonscription ecclésiastique que l’église rurale et séparé d’elle. Les mots : quæ sita est in se rencontrent ailleurs (26). Il importe de tenir compte d’un autre trait. La donation avait été faite à la condition d’entretenir un religieux de l’ordre de saint Benoît qui prierait pour la famille ducale. Ne peut-on voir dans ces dispositions la création d’une chapelle ou église privée à laquelle on attache, à titre de bénéfice, une part des dîmes du district paroissial sur lequel elle est située, ce qui lui constitue un patrimoine distinct ? Là encore il y a concordance entre notre exposé et la tradition. Que nous dit, en effet, l’abbé Vastel : « L’ancienne chapelle reposait sur un terrain qui n’existe plus. Elle avait des propriétés et un trait de dîmes sur des fonds dont on ne voit pas la moindre trace. » Il ajoute : « Son emplacement contenait une masure de certaine étendue, puisqu’elle renfermait une maison d’habitation et quelques bâtiments nécessaires à l’exploitation de ses biens et revenus (27) . » Ces bâtiments d’exploitation ne seraient-ils point ce que les receveurs de la vicomté d’Auge nommaient : « la grande aux moignes de Saint-Riquier-en-Ponthieu, assise à Esquemeauville (28) » Il est indéniable que l’abbaye bénédictine de Notre-Dame, à Saint-Riquier, a possédé, sur la paroisse d’Equemauville, un petit domaine dont la donation de Richard II, en 1023, avait été l’origine. On en retrouve les traces, au XIIe siècle, dans les rôles de l’Echiquier. Voici les extraits qui s’y rapportent sous l’année 1195. Prepositus de Escamelvilla reddit compotum de 20 solid. 10 den. de exitu terre Abbatis de Sancto Richero. In thesauro liberavit. Et quietus est.Robertus de Ros reddit compotum de 4 lib. de decima ejusdem Abbatis. In thesauro liberavit. Et quietus est (29).

Il ressort de ce fragment de comptes que l’abbaye de Saint-Riquier versait à la recette fiscale des ducs de Normandie un impôt foncier, et qu’en l’année 1195 il s’y ajouta comme sur-charge quatre livres de décimes. A nos yeux, ces biens ont été l’ancien fonds de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce composé de terres et de dîmages. En 1239, une contestation s’éleva à propos des dîmes d’Equemauville, dans laquelle figure un archidiacre de Caux nommé Jacques (magister Jacobus archidiaconus Caleto), Jean de Saint-Evroult, archidiacre de Lisieux, Hugues de Chevincourt, abbé de Saint-Riquier. Ce dernier spécifiait que les produits des dîmes en litige appartenaient soit à son monastère, soit au curé bénéficier (sive nobis qui dicimus predictas ad nos pertinere, sive presbytero parochiali(30). La possession de deux parts des grosses dîmes lui fut maintenue. Si le domaine paroissial et l’église d’Equemauville avaient été en la possession de l’abbaye de Saint-Riquier, en vertu de la donation de Richard II, il semble qu’aucune discussion n’aurait pu s‘élever sur le partage des dîmes. Toutes les redevances paroissiales auraient été portées à la grange des moines de Saint-Riquier, qui serait devenue la grange presbytérale. Pour qu’il en ait été autrement, on est conduit à penser qu’au XIIIe siècle il existait sur la paroisse un autre établissement religieux auquel, sous le contrôle de l’archidiacre, on attribuait deux parts des dîmes. L’ensemble du patrimoine de cette autre « église », de ce bénéfice aumôné à Saint-Riquier, constitua un titre de dignité, un office claustral, une prévôté. On sait que les chapitres et les abbayes établissaient des prévôts dans certains domaines éloignés de leur siège et qui demandaient une administration spéciale. Au nombre des offices capitulaires de l’abbaye de Saint-Riquier, on comptait la prévôté d’Equemauville dont l’origine remontait à la donation de Richard II, duc de Normandie (31).Il nous est parvenu le nom d’un moine bénédictin qui, au XVe siècle, était titulaire de la prévôté d’Equemauville. Il se nommait Guy Le Febvre, et le notaire apostolique qui en parle dans un acte du 20 mai 1491, lui attribue les qualités de : honestus vir Guido Fabri, presbyter, commonachus dicte ecclesie [Sancti Richarii], et prior seu prepositus prioratus seu prepositure de Scabellivilla, vulgante Descameauvilla, Lexoviensis diocesis, in ducatu Normannie juxta Honnefluctum supra mare(32). » N’aurait-on pas le droit de voir, dans cet office de prieur ou de prévôt, le prior de Esquemeauvilla dont le nom mentionné dans les pouillés du diocèse de Lisieux avait, il y a longtemps, attiré l’attention de M. Aug. Le Prevost ? La présence d’un prieur ou prévôt du prieuré ou de la prévôté d’Equemauville dans un document officiel de 1491 est d’autant plus intéressante qu’elle est postérieure aux Lettres de Louis XI, du mois de janvier 1479 (n. st.), portant donation au chapitre de Notre-Dame de Cléry de droits de patronage sur un grand nombre d’églises et de chapelles de Normandie. La chapelle de Notre-Dame-de-Grâce eut comme patrons les chanoines de Cléry, à compter de ce temps jusqu’à sa destruction (33). Il ne peut pas y avoir confusion; on remarquera une distinction très nette, à cette époque, entre le prieur d’Equemauville et le prêtre rural qui desservait la paroisse. Cela ressort visiblement des documents que nous venons de citer, et ceux-ci démontrent également que l’institution primitive qui avait déterminé les conditions de propriété du prieuré ou prévôté d’Equemauville resta invariable. Il ne pouvait être donné au changement de patronage d’en effacer les traces. Le patronage était cessible séparément de la terre quand il était aliéné en faveur des ecclésiastiques. Sa cession n’entraînait que le droit de nomination et de provision à tel bénéfice, mais les terres et revenus attachés au bénéfice restaient aux propriétaires du sol (34). Voyons ce qui est arrivé par la suite. La chapelle est ruinée; tout ce qui l’entoure disparaît dans un éboulement (35), Un violent tremblement de terre, arrivé le 29 septembre 1538 (63a). L’oratoire reste donc sans valeur propre, sans offrandes, sans oblations. Toutes choses demeurant en l’état, telles qu’elles pouvaient subsister, la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce ne suscita point de convoitise, personne n’en réclama la jouissance exclusive. Mais il n’en fut pas de même de ses revenus qui furent considérés comme vacants. Profitant de cet abandon, vers 1570, le curé-recteur d’Equemauville s’imagina de les annexer aux autres dîmes paroissiales. Les vieux titres furent exhumés, les droits de chacun furent recherchés dans leur origine, et au bout du compte pour mettre fin à un procès qui dura trente-cinq ans (1570-1605), les religieux de Saint-Riquier réunis en chapitre déclarèrent qu’ils ne sauraient plus reconnaître ni indiquer quelles terres étaient sujettes à la prévôté d’Equemauville (36). En conséquence une amiable transaction termina le différend (37). Tout était disparu : chapelle et dîmes. En résumé, on se trouve en présence d’une preuve indirecte et provisoire. Ce qui précède s’allie fort bien aux conclusions suivantes. Personne ne pourra révoquer en doute qu’il a existé sur le territoire d’Equemauville une «église» fondée vers l’année 1023 et probablement avant cette date; que son existence est attestée par des titres de possession privée qui n’ont jamais été démentis; que l’église n’était point paroissiale : ses biens propres ont formé un prieuré ou prévôté; que ce prieuré ou prévôté a appartenu à l’abbaye Notre-Dame, à Saint-Riquier-en-Ponthieu, jusqu’en l’année 1605 (38); qu’un religieux de ce monastère a pris le titre de prévôt ou prieur d’Equemauville, cela pendant plus de quatre cents ans. Nous voyons, de plus, que le patronage du bénéfice a été transféré à la collégiale de Cléry (39); qu’un extrait des registres de ce chapitre fait mention du patronage, en 1519, dans les termes qui suivent:Capella seu heremitagium Beatæ Mariæ de Gratia prope Honnefluctum(40). Cette désignation s’applique à l’ancienne chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et ceci nous montre qu’une chapelle de ce nom existait avant le règne de Louis XI (41). Retenons ces faits, sous toute réserve d’ailleurs, car nous n’espérons pas avoir obtenu une démonstration complète. Il peut se trouver d’autres documents que ceux dont nous disposons. Mais les données recueillies constituent, selon nous, une raison suffisante de voir dans «l’église» donnée à Saint-Riquier, au XIe siècle, l’origine de l’ancienne chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et de rendre à celle-ci son antique caractère de prieuré bénédictin.

III -LA NOUVELLE CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DE-GRACE. Détruite à une époque dont on a approximativement fixé la date à l’année 1538, la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce ne s’est relevée de ses ruines que vers l’année 1600 environ. Un passage de l’opuscule qui est l’objet de notre publication fait connaître qu’une messe fut célébrée dans la chapelle au mois d’août de cette année-là. Cela rectifie ce que l’on savait jusqu’ici. La chapelle actuelle, a dit l’abbé Vastel, a été édifiée par les soins pieux et la générosité d’un M. de Fontenay, sur un terrain concédé par Mme de Montpensier, qui permit également de prendre dans la forêt de Touques huit chênes pour en faire la charpente. Mais la première pensée de construire une nouvelle chapelle, – les derniers vestiges(Seuls un pan de muraille, un autel et une statue de la Sainte Vierge restèrent debout) (63a) de l’ancienne ayant été abattus en 1602, – aurait appartenu à un sieur Gonnier (Gonnyer), employé au grenier à sel; il en fit creuser les fondations à cent pas environ de l’ancienne, vers le sud-ouest, mais il en resta là, faute d’argent et de protections. M. de Fontenay, « gentilhomme recommandable par sa piété et le crédit que lui donnait sa naissance », reprit le projet et l’exécuta (en moins d’une année, en 1613, la chapelle s’éleva (63a)). Tel est, en abrégé, le récit du vénérable chapelain (42). On y découvre matière à plusieurs remarques intéressantes. Nous trouvons tout d’abord très curieux que cet auteur, qui avait sous les yeux le vieux manuscrit et les papiers des PP. Capucins, n’ait pas désigné plus clairement les personnes dont il parle. Il est difficile d’admettre que, contemporaines des religieux de Saint-François, ces personnes leur aient été inconnues. C’est précisément peut-être parce qu’elles leur étaient connues que les Capucins ont négligé de nous en transmettre les noms plus nettement. Quoi qu’il en soit, nous devons suppléer à l’insuffisance d’informations précises, en même temps rectifier des inexactitudes et nous arrêter un instant aux noms cités et particulièrement à l’un d’eux. En ce qui concerne Mme de Montpensier, il n’y a aucun embarras. Il s’agit de Henriette-Catherine de Joyeuse, mariée à Henri de Bourbon, duc de Montpensier, qui est décédé en 1608. Après la mort de son mari, cette princesse posséda la vicomté héréditale d’Auge et de Roncheville. C’est donc aux officiers de la vicomté, au receveur général domanial, par exemple, si cet office très lucratif existait au commencement du XVIIe siècle, ou au lieutenant particulier, qui était alors un Lambert d’Herbigny, c’est par les bureaux de ces officiers, disons-nous, que durent d’abord passer les deux fondateurs pour obtenir la cession d’un terrain. On s’adressa ensuite à la duchesse de Montpensier : mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints, c’est le commun proverbe. Nous connaissons les deux fondateurs. Le premier se nommait Pierre Gonnier. C’était un ancien tabellion royal au siège de Honfleur, en exercice vers l’année 1574 et postérieurement. En 1596 et jusqu’en 1608, on le retrouve en possession de l’office de grenetier au magasin à sel, et il se présente ainsi avec une dignité qui commande le respect. La même déférence était due à M. de Fontenay puisqu’il remplit au magasin à sel les mêmes fonctions, comme on va le voir, fonctions qui coûtaient cher et dont les gages étaient modestes. Nous ne disons point qu’il n’y avait pas d’accessoires. Par pure imagination, un écrivain a cru voir dans le second fondateur un « marquis » de Fontenay, intendant des biens de la princesse de Montpensier (43). Il ne lui en aurait pas plus coûté de le rattacher aux lignées des Fontenay de l’Ile-de-France, ou du Poitou ou de Bretagne. Son origine était tout autre. M. de Fontenay s’appelait Jean le Bys. A ce nom patronymique était venu s’ajouter un nom de terre, et ce dernier, avec le temps, avait fait disparaître la première appellation. Jean le Bys, sieur de Fontenay (44), figure en un grand nombre d’actes notariés. Dans les plus anciens, il s’y qualifie noble homme plus tard, vers l’année 1608, la qualité d’écuyer est ajoutée à son nom (45). En 1576, suivant contrat du 30 juin, Jean le Bys, sieur de Fontenay, avait épousé Catherine de Poilvillain, fille de Robert de Poilvillain, écuyer, sieur de Mont-à-Louveaux, domicilié en la paroisse de Saint-Gatien-des-Bois. En 1599, il demeurait à Rouen, tenant un emploi dans les fermes avec la qualité de : « commis à la recette des francs fiefs et nouveaux acquêts (46). » On trouve, à la même époque, son frère en résidence dans la même ville : Robert le Bys, sieur de la Chapelle, contrôleur général des gabelles en Normandie (1595), receveur général des amendes et confiscations (1598); puis, à Paris, conseiller du roi et contrôleur de la marine de Ponant (1600), valet de chambre ordinaire du roi, en 1608 (47). Vers l’année 1601 environ, Jean le Bys de Fontenay avait trouvé l’occasion de traiter d’un office de grenetier au magasin à sel de Honfleur; il est infiniment vraisemblable qu’il traita de l’office de Pierre Gonnier (48). Venu se fixer à Honfleur, où résidait son beau-frère, Jean de Valsemé, avocat, et à peu de distance des propriétés de sa femme, Jean le Bys apparaît comme un receveur des gabelles et de taxes locales (49). De nos jours, ses fonctions seraient celles qu’exerce un receveur principal des douanes. En 1613, Jean le Bys était remarié en secondes noces à Lucrèce Grisele (50). Les deux époux fondèrent, en l’église de Saint-Catherine, une haute messe pour le jour Saint-François, avec un Libera sur la tombe que les fondateurs devaient faire mettre devant l’autel de la chapelle Saint-Jean.(51). Jean le Bys, sieur de Fontenay, vivait encore à Honfleur en 1629 et 1630 (52). Il est décédé en 1641 (53). A-t-il laissé une postérité ? On n’en sait rien. Ces menus détails dont nous n’avons pu adoucir l’ennui n’ont qu’un but, celui de faciliter la lecture du livret réimprimé ci-après (54). A le lire sans avertissement, on n’en aurait pas reconnu l’auteur.

IV – LES PÈLERINAGES. L’opuscule est très rare; l’exemplaire qui a servi à la réimpression est peut-être unique, si bien que l’on nous saura gré de lui reconstituer une sorte d’histoire. Voici son titre : « Effects mer//veillevx, et admirables // secovrs de la glorievse vierge // Marie ditte Nostre Dame de Grace, pres // Honnefleur //. – Esprouuez et resentis par des personnes dignes de Foy, // qui l’auoient inuoquée en leurs necessitez. // – A Roven. // chez Nicolas Hamillon, demeurant deuant // le grand Portail Saint Iean. // 1615. // Auec approbation(55).» C’est, on le voit, un livret d’édification qui a eu sa saison éphémère et qui ne porte point de nom d’auteur. Le titre est orné d’une épigraphe latine empruntée au Magnificat, d’un quatrain et d’une vignette. Mais quel est l’auteur ou tout au moins l’éditeur du livret ? Des initiales placées au bas de la dédicace :A la Royne des Cieux suffisent pour nous éclairer. On y lit : I. LE B. Un simple rapprochement permettra de découvrir sous ce voile la personne que les initiales désignent. C’est un fait d’évidence et qui ne demande pas bien des recherches si l’on veut bien tenir compte des remarques présentées ci-dessus. Reconnaissons donc Jean le Bys, grenetier puis receveur au magasin à sel de Honfleur, le M. de Fontenay que l’on nous a montré comme le premier des bienfaiteurs de la nouvelle chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et qui pourrait, à juste titre, passer pour en être le fondateur (56).

Nous prieur et religieux de l’abbaie de St-Riquier conventuellement congregiez et assemblez en la manière accoutumée, se seroit présenté dom Adrien Levasseur, prévôt d’Escameauville pour être maintenu en la possession et jouissance de laditte prévôté qui est l’une des dignités dépendans de cette communauté en vertu et suivant la démission qu’en auroit faite ci-devant dom Jean Destaminil, sous prieur et aumônier de cette abbaye dernier et immédiat possesseur d’icelle dignité en datte du …… (68) au profit dudit Levasseur, suivant laquelle démission ledit Levasseur auroit obtenu provisions de laditte prevôté en datte du 22 avril 1604 pour en jouir avec tous les honneurs, profits, revenus et émolumens y afférans, et d’autant que tout le revenu d’icelle prévôté consiste totalement en une petite portion de dixme sur le village dudit Escameauville, diocèse de Lisieux, qui a esté fort longtemps litigieux et en dispute entre me Léger Housset, curé dudit lieu d’Escameauville, et nous, lequel litige auroit cessé par le moyen du contrat de transaction que nous aurions fait et passé pardevant les notaires royaux résidens audit St-Riquier le 8e juillet 1605, en faveur dudit Housset et ses successeurs curés audit lieu d’Escamauville moyennant la somme de six cents livres que nous avons reçue dudit Housset, pour icelle somme être employée en d’autres immeubles qui doivent tenir pareille nature que soulloit faire ladite portion de dixme dudit lieu d’Escameauville, et laquelle somme de six cents livres nous aurions acquis des héritiers de feu me Nicolas Doresmieulx, vivant procureur et notaire en la sénéchaussée de Ponthieu, la somme de quarante-cinq livres de rente, icelle rente à prendre sur me Nicolas le Prevost et Jacques Carpentier, procureur résidens audit St-Riquier, moyennant la somme de 540 livres dont ledit Levasseur nous a requis qu’en conséquence de laditte provision il puisse entrer en pleine et entière jouissance de laditte rente acquise, ensemble de ce qui pourra être acquis ci-après des soixante livres qu’il reste d’icelle somme de six cents livres. Et à l’instant est intervenu dom Adrien le Prevost, trésorier et procureur sindic d’icelle abbaye, lequel en laditte qualité de sindic nous a requis qu’au cas que ledit rembours se fasse du sort principal de laditte rente que ledit Le Vasseur ni ses successeurs pourvus en laditte dignité de prevost d’Escameauville ne puissent recevoir ledit sort principal ains soit reçu conventuellement et mis en mains bourgeoises pour être au plutôt remployé en achat d’autre rente ou immeubles qui seront et demeureront toujours de pareille nature, nous ayant sur ce pris avis et délibération avons consenti et accordé que ledit Le Vasseur, prévôt d’Escameauville, et ses successeurs pourvus avec office jouissent du courant et revenu de laditte rente comme par ci-devant ont joui ses successeurs de laditte portion de dixme d’Escameauville, délaissée audit Housset et ses successeurs curés dudit lieu que tant le contrat de transaction fait avec ledit Housset que celui d’acquisition de laditte rente avec cette présente délibération seront enregistrés par le greffier d’icelle abbaye au cartulaire des titres de cette maison et paraphés des signatures de nos bailly et procureur d’office pour y avoir recours toutes fois et quantes, et qu’advenant ledit rembours le remploi en sera faite le plus diligemment que faire se pourra dont les contrats qui seront faits seront pareillement insérés audit cartulaire, desquels délibération et consentement ledit procureur sindic et ledit Levasseur ont requis acte, ce qu’avons accordé pour servir et valloir selon la raison. Et afin que le tout soit chose ferme et stable à perpétuité nous avons signé ces présentes de nos seings et à icelles fait apposer le sceau de notre couvent. Fait en la présence de Nicolas le Prevost et Jacques Carpentier, notaires royaux en la prévôté dudit Saint-Riquier, à ce par nous appelés, le vingt-sixiesme jour d’avril mil six cent six.

(Arch. dép. de la Somme, cartul. de Saint-Ruquier, fol. 193).

(1) Dans la Neustria sancta (ms. latin 10,051, fol. 221 V°), A. Du Moustier a consacré un article à une église nommée Notre-Dame-de-Grâce, mais il s’agit du prieuré situé sur la paroisse de Saint Pierre-de-Bailleul (Eure).

(2) Notice historique sur l’ancienne et la nouvelle chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, etc., par L. V. C. D. G. (Havre, imp. Cercelet, 1833, in 8°).

(3) Le Dictionnaire géogr., hist., descriptif, archéologique des pèlerinages, etc. (édit. Migne, 1851, 2 vol. gr. in-8°), ne donne pas plus de renseignements détaillés.

(4) M. Thomas, ancien commissaire de la Marine, avait vu et lu ce manuscrit en 1833 (Histoire de Honfleur, p. 334).

(5) Le P. Firmin, gardien des Capucins de Honfleur, donna la déclaration des biens de la chapelle de N.-D.-de-Grâce, le 18 janvier 1790. – Délib. munic., reg. 110, fol. 59.

(6) Acte de vente du 19 février 1791.

(7) Vastel, Notice hist., p. 15. – Claudius Lavergne. Notice hist. sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Honfleur, p. 22 (Honfleur, 1865, br. in-8°).

(8) Thomashist. de Honfleur, p. 332. – A. Pannier,Notre-Dame-de-GrâceJournal de Honfleur (juin 1868).

(9) Notre-Dame-de-Grâce, histoire de la chapelle, par C. de B. (Honfleur, 1851). – Hist. de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce (Honfleur, 1881).

(10) Vastel, Notice hist., p. 17.

(11) Thomas, Hist. de Honfleur, p. 334.

(12) Mém. Soc. ant. de Normandie. t. XIII, p. 1. – De Formeville, Hist. de l’ancien évêché-comté de Lisieux, t. Ier, p. XLIJ et XLIIJ

(13) De Formeville, Hist. de l’ancien évêché- comté de Lisieux, t. Ier, p. xlij, note 4.

(14) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, publiée par F. Lot. (Paris, 1894, in-8°). – Cf. Bibl. nat, ms. latin 11733.

(15) Le 2 des ides de mars au plus tard de l’année 1023.

(16) Benoist, Chron. des ducs de Normandie, t.II, p. 387. – Wace, Roman de Rou, t. Ier, p. 301.

(17) Neustria pia, p. 210, 215, 218. –Gallia Christ., t. XI, col. 202, 203.

(18) Hénocque, Hist. de la ville et de l’abbaye de Saint-Riquier, t. Ier, p. 320.

(19) Chron. d’Hariulf, p. 185 (éd. Lot).

(20) D’Achery, Spicilegium, t. IV, p. 574. – Histor. de Fr., t.XI, p 132. – Mabillon, Annales ord. S. Ben., t. IV, p. 496. – Gallia christ., t. X, col. 1,249, 1,250 et t. XI, col. 282. – Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. Ier, p. 351.

(21) Gallia christ., t. XI, app., col. 326.

(22) Chron. d’Hariulf, p. 224 (éd. Lot). – Le 3 des calendes de novembre 1048.

(23) Vastel, Notice hist., p. 13.

(24) Thomas, Hist. de Honfleur, p. 339, à la note.

(25) Chron. d’Hariulf (éd. Lot), p. 177, 184, 185, 223, 224, 315, 316.

(26) On lit dans une charte de 1143 relative à l’église de Saint-Lô, à Bourg-Achard : ecclesia S. Laudi quæ sita est in Burgo-Achardi. C’est le prieuré de Saint-Lô. – D. Pommeraye, Hist. de l’abbaye royale de Saint-Ouen (Rouen, 1662, in-fol.), p. 146.

(27) Vastel, Notice hist., p. 15 et 16. – Thomas, Hist. de Honfleur, p. 335.

(28) Comptes de Ch. Castellain, receveur de la duchesse d’Orléans en la vicomté d’Auge (1472-1481). – Bibl. nat., mss. nouv. acq. fr. 5275 et 5276.

(29) Mém. Soc. ant. Normandie, t. XV, p. 44 (Magni Rot. scac. Norm.)

(30) Pièce orig. en parchemin que nous avons acquise à la librairie normande d’Ernest Dumont. C’est un vidimus du 20 mai 1491 donné par Jean de la Chapelle, prêtre, maire ès arts et notaire apostolique qui a laissé une Cronica abbreviata dominorum abbatum Sancti Richarii, publiée en 1856 et réimprimée en 1893 par E. Prarond. Le vidimus, probablement un autographe, est revêtu de la signature de Jean de la Chapelle. Il contient le texte de cinq documents : – 1° les deux actes que l’on trouve dans la Chron. d’Hariulf, (p. 185 et 224, éd. Lot) – 2° une lettre de Hugues, abbé de Saint-Riquier, du 20 décembre 1239; – 3° une lettre de Guillaume de Pont-de-l’Arche, évêque de Lisieux, du 24 déc. 1239; – 4° un acte de reconnaissance passé par Jacques, archidiacre de Caux, devant le chapitre de Saint-Riquier en février 1240.

(31) Arch. dép. de la Somme; Inventaire des titres et papiers de l’abbaye royale de Saint-Riquier, t. IV, années 1781 et 1782. – Cf. Darsy, Bénéfices de l’église d’Amiens, etc., t. II, p. 250.

(32) Vidimus du 20 mai 1491, cité plus haut.

(33) Pouillé du diocèse de Lisieux.- Vastel, Notice hist., p. 16. – Voy. à l’Appendice la pièce n° Ier.

(34) Traité des droits honorifiques, t. Ier, p. 144-147 (Paris, 1772, 2 vol. in-8°).

(35) Vastel, Notice hist., p. 15, 19.

(36) Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. II, p. 224-226.

(37) Appendice nos II et III.

(38) Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. II, p. 224-226.

(39) Le chapitre de Cléry eut la collation d’autres chapelles de valeur aussi médiocre, telle que la chapelle de Saint-Philbert, à Saint-Gatien (arr. de Pont-l’Evêque, cant. Honfleur).

(40) Voy. à l’Appendice, n° Ier.

(41) Louis XI donna au chapitre de Cléry 4,000 l. de rente sur certains fiefs, terres et héritages assis en Normandie. Ce Chapitre eut la justice, la garde-noble, les amendes; il eut aussi le patronage des églises. – Ord. des Rois de Fr., t. XVIII, p. 357.

(42) Vastel, Notice hist., p. 19.

(43) Claudius Lavergne, Notice hist. sur la chapelle de N.-D.-de-Grâce, p . 24.

(44) Nous ne savons où cette terre est située. Le Dict. hist. de l’Eure (t. II, p. 355) fait mention d’une famille Le Bys, à La Haye-Saint-Sylvestre, canton de Rugles.

(45) Min. du tabellionage d’Auge, 4 mai 1608, 15 mai 1608.

(46) Min. du tabell. d’Auge, 18 juillet 1599; – 5 novembre 1606.

(47) Arch. dép. de la Seine-Inf. Mémoriaux de la Chambre des comptes. reg. 12, fol. 96; Bureau des finances, reg. C 1279; – Min. du tabell. d’Auge, 7 septembre 1600 et 6 septembre 1608.

(48) Mémoriaux de la Chambre des comptes de Normandie, reg. 18, fol. 76.

(49) Min. du tabell. d’Auge, 5 nov. 1606; 12 mai 1607.

(50) Min. du tabell. d’Auge, 22 octobre 1613.

(51) Min. du tabell. d’Auge, 25 mars 1614.

(52) Min. du tabell. d’Auge, 23 mai 1629.

(53) Vastel, Notice hist., p. 144.

(54) Il a été mentionné par Ed. Frère, Manuel du Bibliographe normand, t. Ier, p. 425.

(55) Nous avons ajouté au bas des pages, entre [ ], la pagination absente.

(56) Vastel, Notice hist., p. 144.

(57) De Masseville, Hist. sommaire de Normandie, (éd. 1714), t. VI, p. 346.

(58) Vastel, Notice hist., p. 20, 21, 24, 28, 145.

(59) Du Tertre, Hist. gén. des Antilles, t. Ier, p. 517.

(60) Vastel, Notice hist., p. 86-96. – Nous donnons dans l’Appendice, n° IV, une liste des anciens ex-voto qui subsistent encore.

(61) Eug. Sue. Hist. de la marine, t. II, p.81. – Jal, Abraham Duquesne et la marine de son temps, t.Ier, p.574-580.

(62) Vastel, Notice hist., p. 127-132.

(63) Arch. mun. de Honfleur; reg. de l’amirauté : rapports de mer et congés des années 1636 à 1719.

(63a) Près de Caen, qu’il appela Notre-Dame-dela-Délivrande – Notice historique sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, de Honfleur, par M. Claudius Lavergne.

(64) Maurille de S. Michel. Voyage des isles Camercanes en l’Amérique qui font partie des Indes occidentales, etc. p. 231-244, (Paris, Jean de la Caille, 1653).

(65) Min. du tabell. d’Auge, juillet, septembre et octobre 1614. – Cf. Documents relatifs à la marine normande, p. 72, 210, 211 (Soc. Hist. de Normandie).

(66) Nous devons cet extrait à l’obligeance du P. Edouard d’Alençon, archiviste des FF. Min. Capucins, à Rome.

(67) Date en blanc.

(68) En blanc.

2° Doctorat – Histoire médiévale -Thomas LEDRU

Saint-Riquier (VIIe-XIe Siècles) : Histoire, Mémoire, Hagiographie

Extraits – 1010/1017, peut-être 1016/1017 : donation par le duc Richard II de Normandie de l’église d’Équemauville (197) (chapitre IV du livre IV)(198). – La donation par le duc Richard II de Normandie de l’église d’Équemauville est intéressante dans la mesure où elle est le premier témoignage de liens directs entre l’abbaye de Saint-Riquier et le duc de Normandie. Enguerrand était allé à Rouen pour solliciter la générosité de Richard II au profit de son abbaye : le duc de Normandie lui donna satisfaction à condition qu’il y ait désormais un moine de plus à Saint-Riquier et que le duc et ses fils deviennent des socii de l’abbaye(207). Hariulf raconte en outre, dans un passage du chapitre V du livre IV de sa chronique(208), qu’Enguerrand, après avoir rencontré Richard II, est allé voir les moines de Saint-Ouen de Rouen qui lui firent le récit de la vie de Vigor de Bayeux et lui donnèrent, à sa demande, une copie de sa Vie qu’il ramena ensuite à Saint-Riquier(209). Nous n’avons aucun moyen de le prouver mais il est possible que ce voyage d’Enguerrand en Normandie, qui plus est au début de son abbatiat, ait été motivé par sa volonté de bénéficier de la protection du duc de Normandie ou du moins d’entretenir de bonnes relations avec lui. – L’ascendant pris par Guillaume le Conquérant se retrouve dans le fait qu’il est question de lui à plusieurs reprises, sous l’abbatiat de Gervin, dans la chronique d’Hariulf. Ainsi, ce dernier recopie, dans le chapitre XIX du livre IV, un acte par lequel Guillaume le Conquérant confirme à l’abbaye de Saint-Riquier, en 1048, la possession de l’église d’Équemauville (242) que lui contestait l’abbesse de Montivilliers (243). – Nous avons également vu qu’Hariulf n’a recopié que neuf des vingt-et-un actes datant de l’abbatiat de Gervin qui étaient à sa disposition. En voici la liste : – chapitre XIX, p. 224-225 : un acte (30 octobre 1048, Argentel (aujourd’hui Manerbe) (57) par lequel Guillaume le Conquérant confirme à l’abbaye de Saint-Riquier la possession de l’église d’Équemauville (58) que lui contestait l’abbesse de Montivilliers (59) (Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), éd. M. Fauroux, n° 115, p. 277-278).

(197) Dép. Calvados, arr. Lisieux, cant. Honfleur-Deauville.

(198) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 185-186 ; Recueil des actes des ducs de Normandie (911- 1066), éd. M. Fauroux, n° 20, p. 103-105.

(207) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 185-186 ; Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), éd. M. Fauroux, n° 20, p. 103-105.

(208) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 187-188.

(209) Acta sanctorum, novembre, tome I, p. 287-306. Au sujet de cette Vie, voir J. Howe, « The Date of the «Life » of St. Vigor of Bayeux», p. 303-312 ; N. Gauthier, «Quelques hypothèses sur la rédaction des vies des saints évêques de Normandie», p. 455 ; F. Lifshitz, The migration of Neustrian relics in the Viking Age. (242) Dép. Calvados, arr. Lisieux, cant. Honfleur-Deauville.

(243) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, p. 224-225 ; Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), éd. M. Fauroux, n° 115, p. 277-278. (57) Dép. Calvados, arr. Lisieux, cant. Mézidon-Canon.

(58) Dép. Calvados, arr. Lisieux, cant. Honfleur-Deauville.

(59 )Dép. Seine-Maritime, arr. Le Havre, cant. Le Havre-2.

3° Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie.

– L’origine DE N-D-DE-GRACE. – M. l’abbé Gontier a écrit en note des pages 22-25 de son ouvrage « Les uns veulent que la chapelle de N.-D. de Gràce ait été construite vers 1034, à la suite d’un vœu du duc Robert-le-Diable, surpris en mer avec sa flotte par une violente tempête; c’est sans doute la tempête dont parle Guillaume de Jumièges au livre VI de son Histoire des Normands, et cette coïncidence est favorable aux partisans de cette première opinion. Cependant une nouvelle opinion s’est fait jour, d’après laquelle ladite chapelle aurait déjà existé en 1023. A cette date, en effet, le duc Richard II, père de Robert-le-Diable, donna à l’abbaye de Saint-Riquier en Ponthieu, comme bénéfice, une église « sise à Equemauville », ecclesiam quœ sila est in Scabellivilla laquelle ne peut-être guère que N.D. de Grâce; car les chartes et pouillés ne font mention d’aucune autre église sur ce territoire; d’autre part, il ne peut s’agir de l’église paroissiale ou principale, autrement on eût dit ecclesiam Scabellivillœ; de plus, il est toujours question de prieur et de prieuré; et l’on sait d’ailleurs que les religieux de S. Benoît n’acceptaient pas d’être curés. Si l’abbé de Saint-Riquier avait possédé l’église paroissiale, il y eût entretenu un vicaire perpétuel. Donc, à cette époque, il y avait à Equemauville deux établissements ecclésiastiques la paroisse et le prieuré ». « En suite de quoi, la Société Le Vieux-Honfleur a fait apposer sur le mur extérieur de la chapelle une plaque de marbre avec celle inscription Cette Chapelle Construite En1600-1615 Par Les Bourgeois Et Marins De Honfleur Sur Un Terrain Donne Par Mme De Montpensier Remplace Une Ancienne Chapelle Fondee Avant L’an 1023 Par Richard Ii Duc De Normandie Et Disparue Dans un éboulement De La Cote Au XVI° Siècle. – Aoû t1909 (62). Société du Vieux-Honfleur ». « En vain objecterait-on (Semaine religieuse de Bayeux, 1908, n°1 et 2) qu’au XV siècle Saint-Riquier avait encore sur la côte un bénéfice et n’avait pas Grâce, attribuée par Louis XI aux chanoines de N.-D. de Cléry, diocèse d’Orléans et que, par conséquent, le bénéfice de Saint Riquier et la chapelle étaient deux choses distinctes. C’est un paralogisme. Au XVe siècle, après la donation de Louis XI, très bien; mais, au XIe, Saint-Riquier pouvait avoir la chapelle. En tout cas, l’écart des dates n’est pas considérable. 1023 ou 1034 ». J’ai tenu à citer au long ce texte de M. Gontier, quoiquil n’apporte rien de neuf au débat. Voici maintenant ma réponse:

1. La tradition séculaire transmise par les PP. Capucins de Honfleur et les Notices, prétend que, en 1034, dans la tempête qui assaillit sa flotte partant pour défendre contre le roi Canut les deux fils d’Elhelred, et qui la jeta sur les côtes de Jersey, tempête dont parle Guillaume de Jurnièges au chapitre X de son livre VI, Robert le Libéral aurait fait vœu de construire trois chapelles sur les hautes falaises de Normandie. Cette tradition se retrouve, chose curieuse, à N.-D. de Grâce près Honfleur et à N.-D. de Salut près Fécamp. La troisième chapelle est inconnue (63); il y aurait lieu peut-être de la chercher en Cotentin (63a). Pour rompre avec cette tradition séculaire, il me semble qu’il faudrait des preuves certaines, qui n’ont pas été fournies jusqu’ici.

2. En comparant les données de la Chronique de Saint-Riquier par Hariulf, avec les pièces de 1239-1240 citées par Ch. Rréard (64), on obtient aisément la certitude de ce fait que l’église donnée à Saint-Riquier par le duc Richard était bel et bien l’église paroissiale d’Eqiiemauville. Analysons ces données: Enguerrand, Angelramnus, abbé de Saint-Riquier, mort en 1045, qui av’ait succédé à Ingelard, encore abbé en 1007 (65), étant allé en Neustrie, demanda au duc Richard un don pour son abbaye. Celui-ci lui donna casulam pretiosœ purpuroe et ecclesiam Scabellivilloe (66), ce qui semble bien vouloir dire « une chasuble de pourpre précieuse et l’église d’Equemauville ». Il accompagna ce don d’une charte en règle, mais le texte, tel qu’il nous a été transmis par Hariulf, pourrait bien être apocryphe, si l’on en juge par les souscriptions. On y lit ces mots Decrevimus tradere perpetuo prœdicto sancto (Richario) et servis ejus ecclesiam quœ sita est in Scabellivilla (67). Sur cette forme Scabellivilla, Equemauville, notons qu’en scandinave un escabeau, scabellum, se dit skammel. La charte est signée ainsi Signum Richardi marchionis. – S. Roberti archiepiscopi. – S. Gonnoridis, matris eorum. – S. Judith. – S. Richardi pueri. – S. Roberti pueri. – S. Willelmi pueri. – S. Malgeri. Actum Rothomago ij idus martii. Or, Richard II fut duc de Normandie de 996 à 1026 ou 1027, et son zèle pour les abbayes est suffisamment connu. Il étail fils de la duchesse Gonnor, morte en 1031, et frère de Robert, archevêque de Rouen de 990 à 1037. Richard Il épousa en premières noces Judith, fille de Conan le Tort, comte de Rennes, morte en 1017, dont il eut Richard III et Robert le Libéral. En secondes noces, il épousa Estrite, fille de Suénon, roi de Danemarck, qu’il répudia peu après. En troisièmes noces, il épousa Popie, qui fut mère de Guillaume, comte d’Arques, et de Mauger, depuis archevêque de Rouen (68). Donc, les signatures de Judith, de Guillaume et de Mauger ne peuvent figurer simultanément sur un même document. Si l’on supposait, comme le propose M. Lot, que les deux dernières signatures furent apposées plus tard, il faudrait reporter la date de cet acte avant 1017. Quoiqu’il en soit, rien n’autorise à le dater de 1023, puisqu’il ne porte aucune indication d’année. Signalons en même temps, pour répondre à une affirmation hasardée de la plaque du Vieux-Honfleur, que nulle part le duc Richard n’est donné comme le fondateur de l’église aumônée par lui à Saint-Riquier. Enguerrand mourut le 9 décembre 1045 et eut pour successeur comme abbé de Saint-Riquier le moine Gervin (69). Or, entre temps, Béatrix, établie par son neveu le duc Robert le Libéral, en 1035, avant qu’il ne partît pour Jérusalem, à la tête du monastère de Montivilliers, avait mis la main sur l’église d’Equemauville. Gervin alla trouver Guillaume le Bâtard, duc de Normandie depuis 1035, et lui demanda justice. Guillaume voulut bien, quelque inclination qu’il eût pour sa grand’tante, lui faire ce plaisir. Mais il exigea, à peine de ne point rendre l’église, que Gervin lui donnât en échange une partie des reliques de saint Vigor, évêque de Bayeux, déposées à Saint-Riquier. La charte confirmative de ces faits est datée du 30 octobre 1048 et renferme cette phrase qui seule nous intéresse: Cupimus notum fieri omni futurœ posteritati quomodo ecclesiam Scabellivilloe pro salute animœ mœ sancto Richario perpetuo habendam firmaverim censura auctoritatis nostrœ (70). M. Gontier, qui admet que ecclesiam. Scabellivilloe: désignerait l’église paroissiale, est donc servi à souhait, puisque, sur trois textes d’Hariulf relatifs à Equemauville, deux disent simplement ecclesiam Scabellivillœ (71).

Mais il y a plus. Le vidimus du 20 mai 1491, acheté par Ch. Bréard à la librairie Ernest Dumont (72), renferme, avec la copie des deux chartes de la Chronique d’Hariulf, trois actes de 1239-1240 relatifs à une controverse entre l’évêque de Lisieux, Guillaume du Pont de l’Arche et l’abbé de Saint-Riquier, Hugues de Chevincourt, touchant les dîmes d’Equemauville. L’évêque de Lisieux les réclamait pour lui; l’abbé de Saint-Riquier les voulait retenir, soit pour son monastère, soit pour le curé (presbytero purochiali). Il fut réglé, par transaction, que Saint-Riquier garderait deux tiers des grosses dîmes. Il est bien évident, ce semble, que, du moment où l’abbé de Saint-Riquier réclamait les dîmes, soit pour son monastère, soit pour le curé, c’est qu’il était le défenseur-né et le représentant officiel de celui-ci, même vis-à-vis de l’évêque de Lisieux. Donc, c’était bien l’église paroissiale qui avait été aumônée à Saint-Riquier par les ducs de Normandie.

3. Avant d’aller plus loin, nous avons à relever deux inexactitudes de M. Gontier. 11 nous dit, premièrement, que les religieux de saint Benoît n’acceptaient pas d’être curés. Je ne crois pas que les moines de Saint-Riquier aient ja. mais été curés d’Equemauville, pour cette raison que les revenus d’Equemauville donnés par Richard II à Saint. Riquier n’étaient suffisants que pour l’entretien d’un religieux, d’après le texte d’Hariulf. Abbas el fratres spopondernnt quod. persona unius monachi ipsius congregationis augeretur numerus, e.a conditione ut illo decedenfe « secnlo, alterius per seculu subsequatur successio (73). Or les prieurés-cures, comme tous les prieurés réguliers, exigeaient. la présence d’an moins deux religieux. Mais ils auraient pu être curés d’Equemauville. L’histoire de nos vieilles abbayes est là pour le prouver abondamment. Ainsi, les religieux bénédictins de Troarn, au moins, pendant les premiers temps de la fondation de leur abbaye, assurèrent le service paroissial à Cagny et au Désert (74). Ils étaient encore curés du Désert au temps du Livre pelut (75), Et Thomassin a pris la peine de démontrer (76) que cela ne fut jamais interdit formellement aux moines. Deuxièmement, il est inexact de dire que « si l’abbé de Saint-Riquier avait possédé l’église paroissiale, il y eût entretenu un vicaire perpétuel ». Le vicaire perpétuel n’a rien a voir avec le cas présent. Un curé titulaire ne voulant pas ou ne pouvant pas exercer par lui-même, nommait un vicaire perpétuel qui faisait fonctions de curé en sa place. C’est ainsi que le chapitre de Bayeux, au moyen âge, étant curé primitif de Saint-Sauveur de Bayeux, faisait faire fonctions de curé par un vicaire perpétuel nommé par lui (77). Mais le don d’une église à une abbaye est un cas complètement différent. Il comportait le don de l’église et de ses revenus avec, généralement, mais pas nécessairement, le patronage, les dîmes et les privilèges y annexés. L’abbé, ou l’abbaye, n’était pas pour cela curé titulaire de celte église, mais il – ou elle assurait le service du culte, suivant les cas, par ses religieux ou par un prêtre séculier à sa nomination. Les exemples de ceci sont tellement abondants et tellement connus que je ne crois vraiment pas nécessaire d’insister.

4. Cependant une objection, facile d’ailleurs à résoudre, se présente à l’encontre de mon affirmation. Dans les pouillés de Lisieux publiés par A. Le Prévost et insérés par De Formeville dans son Histoire de l’ancien évêché-comté de Lisieux (78), c’était, au XIVe siècle, le roi de France, au droit du duc de Normandie, et, au XVIe, le chapitre de Cléry, par don de Louis XI, qui avaient le patronage d’Equemauville. Donc, pourrait-on objecter hâtivement, l’abbé de Saint-Riquier n’était pas patron au XIe siècle. Mais voilà qui serait un vrai paralogisme. Les moines de Grestain avaient au XIIe siècle le patronage des églises de N.-D. et Saint-Léonard de Honfleur (79). N’empêche que les évêques de Lisieux eurent ce même patronage sur la fin du XIIIe siècle, Robert, abbé de Grestain, l’ayant rétrocédé à Guillaume du Pont de l’Arche, évêquè de Lisieux, par acte du 8 décembre 1233 (80). De même, nous avons vu l’église d’Equemàuville, donnée sous Richard II à Saint-Riquier, entre les mains da Montivilliers sous Guillaume le Bâtard. Les patronages passaient facilement et fréquemment d’une main dans une autre, et cela n’a rien qui puisse nous surprendre. Faute de documents, nous ignorons quand et comment cela se fit à Equemauville. Le fait demeure néanmoins certain. Mais, alors, une question subsidiaire se pose Quels droits Saint-Riquier garda-t-il sur Equemauville après qu’il en eut abandonné ou perdu le patronage, rentré aux mains du duc ou de son représentant ?

5. Les données fournies par Ch. Bréard dans sa Préface des Effets merveilleux de N.-D. de Grâce nous permettent de répondre très amplement. Saint-Riquier garda à Equemauville les deux tiers des dîmes, qui furent administrés et recueillis par un des moines de Saint-Riquier, demeurant à Saint-Riquier, et qui y portait le titre de « prieur ou prévôt (c’est-à-dire administrateur) d’Equemauville », jusqu’en 1605, date à laquelle, par transaction, comme issue d’un procès qui durait depuis 1570 entre le curé d’Equemauville et l’abbaye de Saint-Riquier, cette dernière abandonna au curé Housset tous les dîmes et fermages, moyennant 600 livres qu’elle destina à acheter des rentes servant à l’entretien des prévôts successifs d’Equemauville en l’abbaye de Saint-Riquier (81). Je renvoie à la préface de Ch. Bréard pour le détail de ces données qui, quoique fort intéressantes, n’ont rien à faire ici. Je reviendrai seulement sur l’acte de 1605, dans quelques instants, pour en tirer une conclusion importante en faveur de la thèse traditionnelle. Depuis 1605, Saint-Riquier n’eut donc plus rien à Equemauville, et le curé recueillit en paix les dîmes qui, en 1790, montaient encore à 4.700 livres (82).

6. Après avoir fait brièvement l’historique des possessions de Saint-Riquier à Equemauville, il est temps maintenant de parler de N.-D. de Grâce. Le premier document historique qui en fasse mention, à notre connaissance, émane des archives de N.D. de Cléry, au diocèse d’Orléans. On sait quelle dévotion singulière avait Louis XI pour N.D. de Cléry. Elle le porta à lui faire don, dans la région de Honfleur, à la date du 28 janvier 1479 (n- s) des églises de Fourneville, Le Theil, Saint-Benoît-d’Hébertot, Equemauville et Saint-Gatien-des-Bois, et des Chapelles du château de Touque, de N.D de Fourneville et de N.D de Grâce (83). Or, des papiers de Cléry, retrouvés à Rome dans les archives du couvent des Capucins de Honfleur, donnent le nom de quatre chapelains nommés par le chapitre de la collégiale de Cléry pour desservir la chapelle ou ermitage de N.D de Grâce, capella seu heremitagium B. M. de Gratia prope Honnefluctum. Ce furent successivement Antoine Pothier, Claude Legrand, François Le Lazare, prêtre, nomme chapelain en 1508, et Jacques Desmares, clerc, nommé en 1524 (84): il se pourrait que Jacques Desmares ait été le dernier chapelain nommé par Cléry, puisque, 14 ans après, en 1538, au dire de tous les historiens de la Chapelle, un éboulement de la falaise, minée par la mer, fit disparaître la chapelle et ses dépendances, sauf, dit la tradition, la vieille statue de la Vierge, qui resta debout au bord du précipice, et que les pèlerins continuèrent à visiter. L’abbé Vastel, qui avait vu le manuscrit des Capucins, aujourd’hui disparu, donne ces détails « L’ancienne chapelle reposait sur un terrain qui n’existe plus. Elle avait des propriétés et un trait de dîmes sur des fonds dont on ne voit pas la moindre trace ». (85). Par voie de conséquence, la chapelle et ses revenus étant, emportés, le chapitre de Cléry perdit tous ses droits. Ce ne fut qu’en 1600 qu’on jeta les fondements de la nouvelle chapelle, encore debout aujourd’hui, sur un terrain donné par Mme de Montpensier, vicomtesse hériditale d’Auge et de Roncheville. En 1620, sa fille et héritière, Marie de Boutbon, duchesse de Montpensier, donna la chapelle aux Capucins, arrivés à Honfleur en 1614. Ils en furent les gardiens jusqu’à la Révolution. Alors la ville de Honfleur racheta le sanctuaire, vendu comme bien national. Elle le possède encore aujourd’hui. Voilà, en quelques lignes, toute l’histoire de N.D. de Grâce.

7. II me paraît inutile, après avoir établi ces faits, de prouver que le prieuré d’Equemauville et N.-D. de Grâce ont toujours été deux établissements distincts. Cela ressort suffisamment, me semble-t-il, de l’exposé qui précède. Le premier qui supposa le contraire fut Aug. Le Prévost. En publiant les Pouillés de Lisieux, il y trouvait, trace, en plus de l’ecclesia de Esquemauvilla, du prior de Esquemauvilla (86). En présence de cette double dénomination, Le Prévost, qui ne connaissait à Equemauville que deux édifices religieux, l’église et la chapelle du pèlerinage, avait été amené naturellement à dire: Ce prieuré était peut-être N.-D. de Grâce. Le Prévost posait simplement un point d’interrogation, d’autant plus naturel qu’il ignorait tout du prieuré de Saint-Riquier, disparu définitivement en 1605. L’hypothèse d’A. Le Prévost ne fui reprise qu’en 1902 par Ch. Bréard qui tenta de la transformer en certitude. Mais les preuves lui manquaient. Une seule semble l’avoir retenu. C’est que, en 1605, Saint-Riquier dut abandonner son procès avec le curé d’Equemauville, faute de pouvoir indiquer les terres sujettes à la prévôté. Rien d’étonnant, dit Ch. Bréard, puisque la chapelle et ses terres avaient totalement disparu dans l’éboulement de 1538. Donc, le prieuré et la chapelle ne faisaient qu’un (87). Ce raisonnement, au premier abord, semble séduisant. A la réflexion, il ne vaut rien, et pour deux motifs que voici. Le premier n’est que l’application du raisonnement que M. Gontier a qualifié de paralogisme, et dont il ne me paraît pas avoir saisi la portée. N.-D. de Grâce avait été donnée a Cléry en 1479. Donc, il n’en peut être question pour Saint- Riquier en 1605. De plus, si les terres et héritages d’où le prévôt d’Equemauville avait tiré ses dîmes pendant des siècles étaient vraiment réduits à rien, comment peut-on admettre que le curé Housset, en bon Normand, ait jamais payé 600 livres pour avoir le droit de les percevoir désormais. Ces observations mettent bas tout le raisonnement échafaudé par Ch. Bréard, raisonnement dont il sentait d’ailleurs lui-même la faiblesse, puisque, en guise de conclusion, il écrivait à la page XXIV de sa Préface ces lignes à souligner « Retenons ces faits, sous toute réserve d’ailleurs, car nous n’espérons pas avoir obtenu une démonstration complète ». Puisque Ch. Bréard, en 1902, ne donnait cette opinion nouvelle que comme une hypothèse, il y a lieu de se demander comment la Société du Vieux-Honfleur, qui a tant mérité par ailleurs notre considération, a pu présenter sur un marbre public, en cette même année 1902, cette hypothèse comme une certitude. Et pourquoi y avoir ajouté des affirmations hasardées, comme la date de 1023 ou la fondation par Richard II ? Je croyais jusqu’ici que les plaques de marbre n’étaient pas faites pour enseigner des hypothèses. M. Gontier, bon Honfleurais, n’ayant pas en mains les données nécessaires pour discuter les faits, a pris l’opinion toute faite du Vieux-Honfleur. C’est son excuse très légitime. Mais c’est aussi le droit strict de l’historien impartial de soutenir une thèse qui repose sur une tradition séculaire, et de montrer que la thèse opposée récemment ne peut se fonder sur aucun argument sérieux. Jusqu’à nouvel ordre, qu’on me permette donc de continuer à croire et à dire que N.-D. de Grâce fut bel et bien fondée en 1034 par le duc de Normandie Robert le Libéral, comme on l’a toujours cru jusqu’en 1902 ».